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SFR tire sa révérence, la fin brutale d’un opérateur historique français

SFR (Société Française du Radiotéléphone) naît en 1987, dans le sillage de la dérégulation du secteur des télécommunications. Longtemps sous l’égide de la Compagnie Générale des Eaux, SFR connaît une croissance fulgurante dans les années 1990 et 2000. Pionnier du mobile en France, il devient un poids lourd du secteur aux côtés de France Télécom et Bouygues Telecom. Son réseau dense, ses offres agressives et sa capacité à innover (avec la 3G, puis la 4G) en font un acteur incontournable.

SFR: genèse d’un empire en sursis

Mais à partir de 2011, tout bascule. L’arrivée de Free Mobile bouleverse l’écosystème. SFR, qui avait déjà amorcé un virage stratégique vers les offres quadruple-play (fixe, mobile, TV, internet), peine à répondre à la guerre des prix. En 2014, Vivendi vend l’opérateur à Numericable, propriété d’Altice, pour 13,5 milliards d’euros. Ce rachat marquera le début d’un déclin irréversible.

La greffe Numericable n’a jamais pris

Sous la direction de Patrick Drahi, Altice impose une logique de réduction des coûts, d’optimisation fiscale et de désendettement accéléré. SFR devient la machine de guerre financière du groupe. Mais les investissements dans le réseau chutent. Le service client se détériore. Les licenciements s’enchaînent. En 2015, SFR est l’opérateur le plus sanctionné par l’ARCEP pour ses manquements techniques.

Entre 2016 et 2023, SFR perd plus de 4 millions d’abonnés. Ses parts de marché en fibre optique stagnent. Sur la 5G, il accuse un retard technologique critique, avec seulement 18 % de couverture réelle contre 42 % pour Orange. Dans les entreprises, son image se dégrade. Les collectivités locales migrent massivement vers des opérateurs concurrents.

2024: L’année du basculement de SFR

En septembre 2024, un audit confidentiel d’Altice révèle que la dette consolidée du groupe a atteint 60,4 milliards d’euros, dont 23 milliards pour la seule branche française. Les actifs ne suffisent plus à garantir le service de la dette. Altice tente une série de ventes : Data Centers, pylônes, câbles sous-marins, puis le backbone réseau. Mais les acheteurs imposent des décotes massives. Les agences de notation abaissent la dette au rang de “junk bonds”.

Voir aussi – Revente de données (data) : comprendre et éviter ce phénomène

En novembre 2024, les principaux fonds créanciers (Apollo, Carlyle, BlackRock) imposent une restructuration par cession des actifs opérationnels. Le scénario “SFR zéro” est activé en coulisses. L’option de vendre SFR en bloc échoue : aucun acteur ne souhaite reprendre le passif social, la dette et les engagements de couverture réseau.

Janvier 2025: Annonce de la fermeture

Le 3 janvier 2025, la direction d’Altice annonce officiellement la fermeture définitive de SFR en France. Le réseau est démantelé selon un plan coordonné avec l’ARCEP et les concurrents. Orange récupère 47 % des abonnés, Free 32 %, Bouygues 15 %, et les MVNO les 6 % restants. Les 1 300 boutiques ferment. 8 400 salariés sont licenciés dans un PSE historique, qui prévoit peu de reclassements.

Rupture des services et tensions sociales

La disparition de SFR provoque des ruptures dans les services publics. Les collectivités desservies exclusivement par SFR voient leurs connexions interrompues. La coordination avec les autres opérateurs accuse des retards. Des zones rurales restent sans réseau pendant plusieurs semaines.

Les syndicats dénoncent une opération “bancaire”, sans vision industrielle. Plusieurs élus locaux saisissent le Conseil d’État pour contester les modalités de liquidation. Mais sans effet immédiat. La loi n’impose pas de continuité publique dans un marché officiellement libéralisé.

Impacts sur l’emploi et les écosystèmes

Les licenciements directs (salariés SFR) ne sont que la partie émergée. Les sous-traitants de maintenance, les call centers externalisés, les prestataires IT (environ 12 000 emplois indirects) ferment à leur tour. Les incubateurs, startups et PME qui dépendaient du cloud ou du transit IP de SFR perdent un partenaire majeur. Dans plusieurs régions, des clusters numériques s’effondrent (Montpellier, Saint-Étienne, Nancy). Dans la tech française, SFR tirait encore plus de 500 millions d’euros d’achats annuels. En région parisienne, c’est un pan entier de l’écosystème numérique qui vacille.

Une onde de choc européenne

Au Portugal, en Belgique, en Israël, les filiales Altice inquiètent. Les créanciers cherchent à vendre au plus vite. Certains États envisagent une nationalisation partielle de leurs réseaux. En Allemagne, Vodafone redoute un effet domino. La Commission européenne ouvre une enquête sur la gouvernance d’Altice Europe.

Un précédent lourd de conséquences

La fin de SFR crée un précédent en Europe. Aucun autre opérateur historique n’avait jamais disparu de cette façon. Bruxelles s’inquiète. L’Autorité de la concurrence française est accusée d’avoir laissé faire. L’ARCEP lance une consultation publique sur la “résilience télécom”. Un projet de réquisition partielle des infrastructures se discute mais échoue en commission parlementaire.

Extrapolations à moyen terme

D’ici fin 2025, le marché français sera réduit à trois acteurs dominants. Les prix repartent à la hausse : +12 % en moyenne sur les forfaits mobiles, +18 % sur les offres fibre. Les clients sont de moins en moins mobiles. Les comparateurs perdent en utilité. L’innovation ralentit : la mutualisation du réseau 5G favorise l’uniformisation des offres.

À horizon 2026, Free et Bouygues pourraient fusionner. Orange renforcerait alors sa position de quasi-monopole sur le fixe. Un nouvel entrant étranger (comme Deutsche Telekom ou Iliad Italie) pourrait tenter une percée, mais les barrières à l’entrée restent élevées (licences, spectres, coût du déploiement réseau).

Leçons pour l’État et les régulateurs

L’État, actionnaire d’Orange, est accusé d’inaction. Plusieurs parlementaires demandent une réforme du secteur, avec obligation de service universel numérique. En outre, un rapport sénatorial évoque la “fin d’un mythe de la concurrence totale”.

Des économistes proposent une agence publique de supervision des infrastructures critiques, à l’image de la CRE pour l’énergie. Mais rien ne se concrétise avant 2026. Entre-temps, l’exemple SFR devient une étude de cas dans les écoles de commerce et dans les rapports de l’OCDE.

Conclusion Le fantôme numérique de SFR

SFR a été le symbole d’une privatisation réussie, puis d’un capitalisme financier à outrance. Sa disparition brutale est l’illustration parfaite de ce que produit une dette mal maîtrisée, une gouvernance court-termisme et une régulation trop permissive. Sa mémoire vivra dans les zones blanches qu’il a laissées, dans les procédures prud’homales en cours et dans l’ADN même du marché télécom français, désormais profondément transformé.

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